Demande à la poussière

Demande à la poussière

Quarantaine #1 le nom chrétien de l'amour

 

le nom chrétien de

l'amour

 

 

 

Vivre, c’est construire une cérémonie

inoubliable avec rien.

Christian Bobin.

 

 

 

 

Il faisait froid ce matin

ça m’a rappelé les débuts

de la quarantaine

 

A nouveau les champs, la campagne endormie

les rayons d’or filtrant à travers les branches

le bleu du ciel et la promesse de la Loire

 

En amorçant la descente je l’ai vu au loin

Le nom chrétien de l’amour

Il avait pris l’apparence d’un petit lièvre gris

m’interrogeant du regard, au milieu de la route

 

Quel est donc ce visiteur en approche

frappant la terre de ses pieds lourds

et qu’on entend venir à dix lieues à la ronde ?

 

Il est des choses qu’on peut à peine connaître

qui disparaissent, à peine vues

dans les champs frémissants, les fourrés

 

L’amour à l’état pur

L’Agapè verdoyant et les moissons du ciel

Tu sais

Je ne suis pas sûr que nous en soyons capable

Pas sûr du tout

Surtout moi : je me connais.

 

Mais qu’importe après tout

Puisque de tels trésors existent, en puissance,

Au fond de nos cœurs

 

Ça me rappelle

un ancien prof de philo

du temps de Brest

(mes camarades étudiantes

trouvaient qu’il avait de belles

mains, se pâmaient devant son intelligence,

ses longs cheveux bruns - moi,

je trouvais ça débile mais je n’en

étais pas moins jaloux)

 

 

Ce qui est véritablement concret

à nos yeux, disait-il,

c’est le peu qu’on a réussi

à comprendre (du monde ) et

ça varie beaucoup en fonction des individus.

Par exemple, pour lui le théorème de Gödel,

c’était quelque chose

de beaucoup plus concret

que le fonctionnement d’un moteur ou

le montage d’une bibliothèque

 

Alors imaginer tout ça, l’amour universel et

tout le reste, c’est peut-être

déjà quelque chose, un peu

 

Quelque chose de concret

 

En attendant

il est l’heure de rentrer à la maison

 

Le cœur bien rempli

 

d’avoir vu détaler un petit lièvre gris

touché la monnaie scintillante du fleuve

fendu les flots verts du chemin de halage

 

reçu en rentrant - sans y prendre garde mais

certainement en plein cœur,

le sourire de ma femme

allongée sur la canapé

 

 

 

 



21/04/2020
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